5 avril 2008

Café De La Danse, Festival Les Femmes s'en Mêlent, Shannon Wright, 4 mai 2002

Alors voilà, elle arrive, toute de discrétion et de jeans vêtue, tandis que D.J. Muriel Moreno interlude du haut de son perchoir aux fleurs électrifiées. Elle branche trois wah wah, ajuste son micro, fait ses derniers réglages.

Côté cour, la batterie, côté jardin, un petit orgure électrique où on espère qu'elle jouera Hinterland (ce qu'elle fera) et Method Of Sleeping (ce qu'elle ne fera pas).

Et puis le noir se fait, et la voici qui revient sous des applaudissements qui laissent deviner qu'on est quelques-uns à être venus rien que pour elle. Ni présentation ni avertissement, les âmes sensibles qui pensaient s'endormir au son soporifique de la très très ennuyeuse chanteuse de Cat Power, sorte de Phoebe en pire (Friends, vous connaissez ?) en seront pour leurs frais. *

Toute en fureur carnassière, Shannon Wright et son jeu de guitare exceptionnel (fermez les yeux et demandez vous où est caché le bassiste) emporte tout sur son passage, les oreilles et les coeurs. A côté d'elle, Ani Di Franco, et PJ Harvey, soyons charitables, ne parlons pas de Björk, font figure de biens inoffensives collégiennes. La veste tombe après deux titres fougueux lorsqu'elle se dirige vers l'orgue.

On croit la brûlure éteinte, on se trompe. Shannon enchaîne d'abord deux morceaux au goût amer et on se dit qu'on est bien loin de la chanteuse de Rich Hum Of Air, surtout quand Heavy Crown s'achève brusquement par un coup de tête on ne peut plus volontaire dans le micro. Arrive Hinterland, morceau de bravoure vocal soutenu par une batterie sans faille, métronomique autant qu'apocalyptique. Mais rien pourtant n'arrive à couvrir cette voix revenue du diable vauvert, des enfers jopliniens, Frehel du rock, Piaf à la sauce Sonic Youth.

Shannon de retour à la guitare criant sa rage devant un batteur déchaîné et un public médusé ne cesse de nous envouter. Plus endiablée que jamais, elle s'agenouille, hendrixienne à souhait, délivrant riffs déchirants et poses masturbatoires... Elle hurle, prouvant du même coup qu'elle n'a pas besoin de micro pour se faire entendre. Puis sa bouche dévoratrice se ferme lentement pour un dernier passage à l'orgue pour une version de Vessel For A Minor Malady "There's no cure, so why should I care ?" sensible et dérangeante.

Elle se lève, on n'entend pas son timide thank you sous les aplaudissements et les cris. On la rappelle, on en redemande, alors la revoici, ultime démonstration, douce vocalise où il est question d'aller au lit et de sombrer dans un profond sommeil. Un petit salut, deux timides sourires et la voilà qui disparaît pour de bon.

Les lumières se rallument et D.J. Muriel Moreno enchaîne sur la version de '97 Bonnie and Clyde d'Eminem par Tori Amos dont le seul mérite à ce moment est de rester dans le ton. Noir, très noir.

* Note aux fans de Cat Power. Ayant depuis écouté sa musique, je compatis sincèrement à votre douleur à la lecture de ces lignes. Elles représentent pourtant ce que j'ai ressenti à l'époque. Désolé.