Auteur : Richard Powers
Editeur : Picador / Vintage / Le Cherche Midi (pour la France)
Année : 2003
L'édition française est souvent prompte à s'enticher des nouveaux écrivains américains. Force est de constater que nous sommes malgré tout fort chanceux de voir fleurir entre les mémoires de joueurs de foot décérébrés et les conseils minceur de je ne sais quelle Miss météo en mal de notoriété des noms aussi intéressants que ceux de Don de Lillo, Jonathan Franzen, Robert Stone, Rick Moody et autres Richard Ford... Qui, sans doute, à l'instar de Woody Allen, sont bien plus connus et plus appréciés en France que dans leur propre pays.
C'est ainsi que Richard Powers et son chef-d'oeuvre Le Temps où nous Chantions, ont trouvé leur chemin jusque chez nous par l'intermédiaire de la pynchonienne collection Lot 49 dirigée par Claro au Cherche Midi.
C'est une histoire de l'Amérique de la guerre froide, des droits civiques et du Vietnam, une histoire qui s'étend presque jusqu'à nos jours. Jonah, fils de David Strom, physicien de premier ordre et juif forcé à l'exil par la guerre, et de Delia Daley, jeune femme noire à la voix d'or, gravit un à un les échelons d'une carrière toute dédiée au chant lyrique.
Le jeune prodige, est accompagné au piano par Joseph, son frère qui l'admire au delà de toute mesure tout en jouant les conteurs inspirés, tandis que Ruth, la cadette, se range au côté des Black Panther, persuadée que l'incendie dans lequel sa mère à trouvé la mort n'était pas un accident mais un acte raciste.
Pendant que Jonah entame un tour du monde triomphal, Joseph devient plus prosaïquement pianiste de bar et Ruth vit dans la clandestinité. Au même moment, David tente de définir ce qu'est le temps en posant les problèmes de la physique moderne d'une manière révolutionnaire...
N'y allons pas par quatre chemins, si vos connaissances en anglais sont rudimentaires, il vous faudra le lire en traduction. Sinon, n'hésitez pas. Dès le début, on est happé. Après à peine quelques pages, on ne peut s'empêcher de penser que si Powers arrive à maintenir cette qualité d'écriture durant les 650 pages que compte le livre, il aura écrit l'un des premiers grands romans du siècle. Nous ne pourrons qu'être horriblement déçu... en bien ! Powers ne maintient pas cette qualité d'écriture, il la dépasse ; constamment. La poésie affleure à chaque page, sans jamais tomber dans la mièvrerie ou le cliché, et la beauté est toujours en embuscade, prête à bondir, ce qu'elle ne manque pas de faire.
Et lorsque la fin du chemin s'approche, c'est à regret que nous nous préparons à refermer le livre.
Ce roman nous emporte, c'est un tourbillon, un chant, une brève histoire du temps, de notre temps, et d'un passé à peine révolu qui nous semble déjà si lointain.