10 octobre 2007

In Rainbows

Artiste : Radiohead

Label : W.A.S.T.E.

Date de sortie : 10 octobre 2007

Durée : 42'34''

Enfin, il est là. In Rainbows, dans toute sa nouveauté, et ce, malgré les titres déjà bien connus car joués en concert maintes et maintes fois ; parfois depuis plus de dix ans.

Mais tout d'abord, un grand bravo aux équipes de W.A.S.T.E. qui ont permis un téléchargement facile et rapide. Une vraie réussite.

Il est aussi bon de noter que cet album est DRM Free, sans DRM. Cela ne veut pas dire, bien entendu, que le distribuer sur le net est légal pour autant, mais cela montre le respect que le groupe porte à ses fans. Non pas Jeanfoutiste au sujet de leur musique, mais prenant acte, simplement, que la grande majorité des gens sont responsables au sujet de ce qui leur est confié, fusse le dernier album d'un groupe de rock.

La preuve ? Le groupe a virtuellement (dans tous les sens du mot) offert sa musique et, si l'on en croit leur porte parole, la plupart des gens ont donné une somme correspondant globalement au prix d'un album téléchargé en ligne légalement. Surtout, très peu n'ont rien donné. L'opération serait, apparemment, une réussite commerciale. It's Up To You disait leur site web lorsqu'il s'était agit de décider combien donner. Les acheteurs ont été au rendez-vous.

Pourquoi cela ? Les raisons sont sans doute multiples. Personnellement, ayant commandé la Discbox, le téléchargement m'a été offert d'office, mais si je n'avais pas eu le choix, j'aurais probablement donné une dizaine d'euros, soit le prix d'un album sur l'iTunes Store par exemple.

Je crois surtout que lorsqu'un groupe aussi aimé que Radiohead s'adresse directement à ses fans et leur dit : "Si vous aimez notre musique, donnez ce que vous pensez être JUSTE.", alors, soudain ceux qui se sentaient parfois volés lorsqu'on leur demandait 20 euros pour un album dont 95% du prix n'irait jamais dans les poches des artistes se sont peut-être dit : "Ok, voyons ce que je crois être juste."

Autre chose a pu jouer. La culpabilité. Si vous téléchargez un album illégalement, ce n'est généralement pas sur le site du groupe. Combien d'acheteurs n'ont pas voulu passer pour des pingres ? Allez savoir...

Quant à ceux qui l'ont eu pour rien, tant mieux pour eux, qu'ils aient été radins ou sans le sou n'a que peu d'importance. La musique ne mourra jamais. Les Majors en revanche... et hélas, les disquaires ce qui est plus préoccupant.

Alors qu'en est-il à l'heure de la première (déjà troisième) écoute ? Tout d'abord une impression d'ensemble sur la production qui semble assez Low Tech, beaucoup plus artisanale au niveau du son que ce à quoi on aurait pu s'attendre. Une certaine saturation, un côté analogique et disque fait à la maison, et surtout, aux dernières nouvelles, sans Nigel Goldrich, (leur producteur quasi historique).

15 STEP (3'57'')

Un rythme très Eraser qui n'est pas sans rappeler Everything in its Right Place qui ouvrait Kid A, et c'est parti. On sent le virage electronica arriver à grand pas sauf que la ligne de guitare à partir de la 47ième seconde change la donne avec un minimum d'effets. Finalement assez fidèle aux versions de concert à l'exception de choeurs d'enfants (qui font un rien penser à The Wall de Pink Floyd) le titre malgré tout est relativement décevant.

BODYSNATCHERS ( 4'02'')

Pêchu, Catchy, un petit air de 2+2=5 sur l'album précédent. Une guitare bien cradingue et saturée en ouverture. Après une minute, Yorke dévie la mélodie comme il en a le secret avant de retomber sur ses pieds d'une façon qui a toujours l'ai aussi miraculeuse. La suite d'accord assez simple nous remet directement dans l'ambiance. Oui, ceci est bien un disque de Radiohead, avec un peu de The Bends, De Hail to the Thief, et même d'Ok Computer en miroir auditif tout le long de la chanson.

NUDE (4'15'')

Des cordes, en intro, et des harmonies vocales quasi Björkiennes, puis la voix de Thom mixée bien en avant et dans les aigus qu'il sait si bien faire. Oui, il s'agit bien d'une version Studio de ce titre qui tourne avec Radiohead depuis plus de dix ans, soit la période d'Ok Computer. Ondes Martenot discrètes, voix aqueuses enrobées de réverb' comme si on écoutait la chanson arnaché au fond d'une piscine au beau milieu de la nuit. Guère rassurant, mais envoutant jusqu'à une faible lueur d'espoir lors des trente dernières secondes.

WEIRD FISHES/ARPEGGI (5'18'')

Ma préférée. Un rythme qui rappelle 15 STEP mais beaucoup plus abouti dans l'exécution et l'une des mélodies les plus mélancoliques composées par Radiohead. Contruits avec l'esprit d'escalier, chaque mot semble s'aider du précédent pour monter le titre en épingle jusqu'à ce que tout retombe aux deux tiers quand Yorke chante : "and this is my chance / eaten by worms /and we’re fishies / picked over by the worms /and we’re fishies /we’re fishies" d'une voix résignée qui aboutira à une désertion pure et simple de toute vie sur la fin du titre. Onn'avait pas ressenti un truc pareil depuis Pyramid Song, c'est dire.

ALL I NEED (3'49'')

Minimaliste, à tel point qu'on l'imaginerait bien comme un hommage à Joy Division. Jusqu'à la fin qui change une fois de plus la donne avec quatre notes de métalophones bienvenues.

FAUST ARP (2'10'')

Voix empilées, guitare folk, cordes, mélodies graciles, on imaginerait presque Robert Kirby (producteur légendaire de Nick Drake et de Vashty Bunyan) aux manettes l'espace d'un instant. Une merveille et une respiration dans cet album sombre. Un chef d'oeuvre.

RECKONER (4'50'')

Un autre titre où la rythmique prend le pas sur la mélodie, en tout cas comme base. Seule la voix installe l'atmosphère avant que quelques notes de piano n'accentuent le travail de Thom bientôt suivis par des voice over. Puis un temps calme exactement au milieu du titre. Un peu à la We suck Young Blood. Puis des cordes et des harmonies vocales dignes d'un Brian Wilson sous haute dose de Prozac.

HOUSE OF CARDS (5'28'')

Beaucoup jouée en concert, donc un rien moins surprenante, si ce n'est que comparé à l'ensemble de l'album le titre paraît un peu plus joyeux... Paroles cucul "I don't want to be your friend, I just want to be you lover" à l'appuis. Guitares saturées piquées à Sigur Ros ou à M83 en prime.

JIGSAW FALLING INTO PLACE (4'09'')

A nouveau une rythmique rapide sur laquelle la voix vient se greffer. Puis des cordes. Entrainant, mais déjà entendu.

VIDEOTAPE (4'40'')

Mélancolique à souhait. Le titre clôt l'album dans un minimalisme qui fait froid dans le dos. Pas du tout serein. Pas du tout sûr de soi. Creepy. Piano, voix, basse, puis une batterie ératique et des harmonies vocales crépusculaires. Certaines versions de concert étaient beaucoup plus enlevées.

Conclusion (à chaud, je serai sans doute plus nuancé dans une semaine) :

Après deux écoutes l'impression d'ensemble est bonne, même si certains titres sentent un peu le réchauffé, le déjà entendu (car beaucoup joués en concert, mais aussi et surtout parce que le groupe, pour une fois, n'a pas su s'affranchir aussi bien de ses gimmicks pour les pousser juste un peu plus loin). L'absence de Nigel Goldrich (à ce qu'il semble) y est sans doute pour quelque chose.

Le côté recette de certains titres est parfois irritant, d'autant qu'il avait déjà été abondamment utilisé sur l'album précédent : Rythmique rapide + voix + ligne de guitare minimale + changement de ton et de rythme au milieu du titre ou au deux tiers puis remontée de la pente. Des titres de Radiohead sur ce shéma il y en a une bonne dizaine.

On sent que Thom Yorke est bel et bien le leader incontesté du groupe. Les ressemblance avec son effort Solo de l'an dernier sont frappantes. Lorsque les envolés du chanteur et le minimalisme des arrangements fonctionne bien, c'est tout bonnement merveilleux, sinon, parfois dispensable.

Heureusement, quelques morceaux sont tout bonnement époustouflants, Nude, Weird Fishes/Arpeggi, Faust Arp, qui justifient à eux seuls l'achat de ce disque.


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